Le privé, on l’a déjà essayé… en 2022, c’est dépassé

 

Depuis le milieu du vingtième siècle, le Québec s’est doté de services publics visant à répondre aux besoins de la population et à aplanir les disparités socio-économiques. Ceux-ci constituent le cœur du filet social dont dépend le bien-être d’une large majorité de la population, et ont mis fin à l’emprise arbitraire dont jouissait auparavant le secteur privé dans la prestation de services. D’ailleurs, c’est précisément pour mettre fin à la mainmise des intérêts privés sur les services que le secteur public québécois a été mis en place, dans une perspective d’équité, de justice sociale et de démocratie.

Or, depuis plus de quarante ans, inspirés par la doctrine néolibérale, les gouvernements successifs au Québec ont progressivement redonné de plus en plus de place au secteur privé dans la prestation des services. Ils ont d’abord organisé leur sous-financement pour ensuite mieux transformer les cultures institutionnelles de nos organismes publics pour les modeler sur celle du privé, répétant ad nauseam que ce dernier est plus efficace et moins coûteux. Tant au niveau du financement, de la gestion que des modes de prestation des services, il fallait calquer le modèle privé, présumé, sans qu’on n’en ait la moindre preuve, plus performant, mais surtout moins coûteux pour les contribuables.

Dans son « Plan pour mettre en œuvre les changements nécessaires en santé », le gouvernement caquiste propose comme « stratégie » visant à « réduire l’attente des Québécois et leur offrir une intervention dans les délais requis » un « apport accru du privé dans le réseau public », et ce même si la démonstration a été faite à d’innombrables reprises qu’une telle « stratégie » ne permettra pas d’atteindre les objectifs annoncés. L’expérience et la recherche démontrent au contraire que le recours au privé mine la qualité, l’accessibilité et la transparence des services, tout en faisant augmenter leur coût. 

La Coalition Main rouge partage évidemment les préoccupations de la population quant à la qualité, l’accessibilité et l’universalité des services publics, de même que le constat accablant de leur état actuel, auquel d’ailleurs semble souscrire le gouvernement. Elle souhaite aussi que des changements profonds soient apportés à la manière dont sont organisés et offerts les services au Québec, au bénéfice de toute la société.

Là où le bât blesse, c’est lorsque nos dirigeants persistent à mettre de l’avant des idées désuètes sur le rôle que devrait jouer le secteur privé dans la prestation de services. Leur privatisation, pas plus que la sous-traitance, ne sauraient être des solutions. L’histoire démontre de manière éclatante qu’au contraire, le recours au privé suscite davantage de problèmes au niveau de l’accessibilité, des coûts, des conditions de travail, de l’accès à l’information, etc. Prétendre le contraire, c’est rester aveugle, volontairement ou non, à ce que l’expérience réelle d’ici et d’ailleurs démontre sans le moindre doute.

La Coalition Main rouge interpelle le gouvernement du Québec pour lui demander de ne pas aller de l’avant avec son intention de donner plus de place au privé dans le secteur de la santé et des services sociaux québécois, comme dans l’ensemble du secteur public. Déjà, trop de soins de santé dépendent du privé et sont peu accessibles aux ménages à faibles et modestes revenus, par exemple en santé mentale ou pour les soins dentaires.

L’ensemble de la classe politique doit laisser tomber les mirages néolibéraux qui minent nos services publics depuis trop longtemps. Les solutions passéistes non plus lieu d’être : il faut se tourner vers l’avenir et mettre de l’avant des solutions justes et véritablement progressistes qui renforceront de façon pérenne le filet social québécois. Ceci implique un meilleur financement des services, le contrôle démocratique de ceux-ci, de meilleures conditions de travail pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs du secteur public et la fin du recours aux entreprises à but lucratif dans la prestation des services. Des solutions alternatives au recours au privé existent et sont bien documentées. Elles permettraient d’assurer la qualité, l’accessibilité et l’universalité des services dans le respect non seulement des travailleuses et travailleurs, mais de l’ensemble de la population qui certes en bénéficie, mais encore les finance.

Après des années de coupures, de mesures d’austérité et de propagande néolibérale, la tâche ne sera certainement pas facile. Nous n’avons néanmoins plus le luxe de persister dans la voie de la privatisation au moment où tous et toutes conviennent qu’il y a urgence d’agir pour remettre le secteur public québécois sur les rails. Une chose est certaine, ce n’est surtout pas le moment de priver les finances publiques de moyens dont nous avons besoin pour cela, en baissant les impôts.